Les cours de l'engrais connaissent une grande volatilité, influencés par de nombreux facteurs économiques et géopolitiques. Comprendre ces dynamiques est crucial pour les agriculteurs et les acteurs du secteur agricole, afin d'anticiper les variations de prix et adapter leurs stratégies d'achat.
Les facteurs influençant les prix des engrais
Les prix des engrais sur le marché mondial sont influencés par de nombreux facteurs interconnectés, créant une dynamique complexe et volatile. La compréhension de ces éléments est essentielle pour anticiper les variations de prix et prendre des décisions éclairées dans le secteur agricole.
L'impact majeur des coûts énergétiques
La production d'engrais, en particulier les engrais azotés, nécessite une quantité importante d'énergie. Le gaz naturel, utilisé comme matière première et source d'énergie dans la fabrication d'ammoniac, joue un rôle prépondérant dans la structure des coûts. Les fluctuations des prix du gaz se répercutent donc directement sur ceux des engrais azotés.
Par exemple, fin 2021, le prix du gaz a atteint 100 €/MWh, soit cinq fois son niveau historique de 20 €/MWh. Cette hausse spectaculaire a entraîné une augmentation considérable des coûts de production des engrais azotés, se traduisant par une flambée des prix sur le marché. La solution azotée, très demandée en France, a vu son prix grimper jusqu'à 875 €/t aux ports français, tandis que l'urée dépassait les 1000 €/t et l'ammonitrate atteignait près de 1200 €/t.
Les tensions géopolitiques et les restrictions commerciales
Les relations internationales et les décisions politiques des principaux pays producteurs et exportateurs d'engrais ont un impact significatif sur les prix. Les tensions entre la Russie et l'Union européenne, par exemple, ont perturbé l'approvisionnement en gaz russe, affectant indirectement les coûts de production des engrais en Europe.
De plus, les restrictions à l'exportation imposées par certains pays producteurs majeurs influencent fortement la disponibilité et les prix des engrais sur le marché mondial. La Chine, notamment, a mis en place des restrictions sur l'exportation de phosphate, tandis que la Russie a limité ses exportations d'ammoniac. Ces mesures ont entraîné une réduction des flux commerciaux mondiaux et une pression à la hausse sur les prix de certains types d'engrais, comme le DAP (phosphate diammonique).
L'équilibre entre l'offre et la demande
La dynamique entre l'offre et la demande d'engrais joue un rôle crucial dans la formation des prix. La demande est influencée par divers facteurs tels que les cycles agricoles, les conditions météorologiques, les politiques agricoles et les tendances de consommation alimentaire. L'offre, quant à elle, dépend des capacités de production, des stocks disponibles et des flux commerciaux internationaux.
L'équilibre précaire entre ces deux forces peut rapidement être perturbé, entraînant des variations de prix significatives. Par exemple, l'attentisme observé récemment sur le marché, avec des besoins non couverts pour la campagne 2024 en Europe, aux États-Unis et au Brésil, a contribué à une baisse du prix de l'urée.
Adaptation des flux commerciaux
Face aux perturbations géopolitiques, les pays importateurs ont dû adapter leurs sources d'approvisionnement. L'Europe, par exemple, a remplacé ses importations en provenance de Chine et de Russie par celles d'autres exportateurs comme l'Égypte (ammoniac), le Maroc (DAP), l'Arabie saoudite et les États-Unis. Cette réorganisation des flux commerciaux a également influencé la dynamique des prix sur le marché mondial des engrais.
Perspectives et volatilité persistante
Malgré une tendance à la stabilisation des prix des engrais ces derniers mois, la volatilité reste une caractéristique importante du marché. Les experts s'accordent à dire que des variations de prix sont toujours à prévoir. La Banque mondiale prévoit une baisse des prix des engrais de 22% en 2024 et de 6% en 2025, tout en soulignant qu'ils resteront supérieurs aux niveaux de 2015-2019 en raison de la vigueur de la demande et des restrictions à l'exportation persistantes.
Cette volatilité continue exige une vigilance accrue de la part des acteurs du secteur agricole, qui doivent adapter leurs stratégies d'achat et de gestion des stocks en fonction de l'évolution des prix des engrais et des facteurs qui les influencent.
Évolution récente des prix des engrais en France
L'évolution récente des prix des engrais en France reflète les dynamiques complexes du marché mondial des fertilisants. Les fluctuations observées au cours des derniers mois témoignent de l'influence de multiples facteurs, allant des coûts de production aux tensions géopolitiques. Une analyse détaillée des données chiffrées permet de mieux comprendre les tendances actuelles et leurs implications pour les agriculteurs français.
Variations de prix par type d'engrais
Les données récentes montrent des variations significatives selon les types d'engrais :
DatePrixVar.
28/06/2024
PK : 442,50 €/t
+5
28/06/2024
Triple 17 : 487,30 €/t
+8,5
28/06/2024
Ammonitrate 27% : 267,50 €/t
-15
28/06/2024
Ammonitrate 33.5% : 342,50 €/t
-2,5
28/06/2024
Urée : 375 €/t
+12,5
28/06/2024
DAP : 597,50 €/t
+12,5
Ces chiffres révèlent une tendance à la hausse pour certains engrais comme le PK, le Triple 17, l'urée et le DAP, tandis que les ammonitrates connaissent une baisse, particulièrement marquée pour l'ammonitrate 27%.
Comparaison avec les prix historiques
Pour mettre ces variations en perspective, il convient de les comparer aux prix historiques. Il y a deux ans, la solution azotée se négociait à 160 €/t, contre 580 €/t actuellement au port de Rouen, soit une augmentation de plus de 260%. L'ammonitrate, quant à lui, se stabilise autour de 700 €/t, bien loin des niveaux observés avant la crise énergétique de 2021-2022.
Évolution des prix de l'urée
L'urée, dont le prix actuel s'établit à 375 €/t, a connu une volatilité particulièrement prononcée. En novembre 2022, son cours avait atteint des sommets à plus de 1 000 €/t. La baisse observée depuis lors s'explique en partie par une stabilisation relative des coûts énergétiques et une reprise de la production mondiale.
Tendances pour les engrais phosphatés et potassiques
Les engrais phosphatés, comme le DAP, maintiennent des prix élevés, soutenus par les stratégies des pays producteurs. Le prix du DAP à 597,50 €/t représente une augmentation de 10% par rapport au premier trimestre 2024, reflétant les tensions persistantes sur ce marché. Quant à la potasse, son prix tend à se stabiliser sur un marché caractérisé par une faible activité.
Facteurs influençant les prix récents
Plusieurs éléments contribuent à expliquer les variations de prix observées :
La stabilisation relative des coûts énergétiques, notamment du gaz naturel, principal intrant pour la production d'engrais azotés
Les restrictions à l'exportation imposées par certains pays producteurs, comme la Chine pour le phosphate
La reprise progressive de la demande mondiale, notamment en Inde et au Brésil
Les substitutions d'approvisionnement, l'Europe se tournant vers l'Égypte, le Maroc ou l'Arabie saoudite pour compenser la baisse des importations russes
Ces dynamiques complexes expliquent les divergences observées entre les différents types d'engrais, certains connaissant des hausses tandis que d'autres voient leurs prix se stabiliser ou diminuer.
Perspectives pour les agriculteurs français
Face à ces évolutions, les agriculteurs français doivent adapter leurs stratégies d'achat. La volatilité persistante du marché incite à une gestion prudente des approvisionnements. Les prix actuels, bien qu'en baisse par rapport aux pics de 2022, restent historiquement élevés, ce qui pèse sur les coûts de production agricole. La diversification des sources d'approvisionnement et l'optimisation des pratiques de fertilisation deviennent des enjeux majeurs pour maintenir la compétitivité des exploitations françaises.
Impact des fluctuations internationales sur le marché français
Le marché français des engrais est fortement influencé par les fluctuations des prix sur les marchés internationaux. Les variations de l'offre et de la demande à l'échelle mondiale, ainsi que les événements géopolitiques, ont des répercussions directes sur les prix et l'approvisionnement en France.
Diversification des sources d'approvisionnement
Face aux restrictions d'exportation imposées par la Chine et la Russie, la France a dû diversifier ses sources d'approvisionnement en engrais. L'Égypte est devenue un fournisseur majeur d'ammoniac, tandis que le Maroc joue un rôle croissant pour le DAP (phosphate diammonique). L'Arabie saoudite et les États-Unis ont également augmenté leurs parts de marché en France.
Cette réorganisation des flux commerciaux a eu un impact sur les prix. Par exemple, le coût logistique plus élevé pour importer des engrais depuis des pays plus éloignés a contribué à maintenir des prix relativement élevés, malgré la baisse des cours internationaux.
Influence des achats indiens sur le marché de l'urée
Les achats massifs d'urée par l'Inde ont une influence considérable sur les prix internationaux, qui se répercute ensuite sur le marché français. En 2024, l'Inde a procédé à plusieurs appels d'offres importants, dont un en juin pour 1,5 million de tonnes d'urée. Ces achats ont contribué à soutenir les prix mondiaux, limitant la baisse observée sur le marché français.
Voici un aperçu des derniers achats indiens d'urée et leur impact sur les prix :
Date
Volume acheté
Prix moyen
Impact sur le prix en France
15/05/2024
800 000 tonnes
340 $/t CFR
+5 €/t
20/06/2024
1 500 000 tonnes
355 $/t CFR
+12,5 €/t
Volatilité des prix du gaz et répercussions sur les engrais azotés
Les fluctuations des prix du gaz naturel sur les marchés internationaux ont un impact direct sur les coûts de production des engrais azotés, dont l'ammoniac est un composant essentiel. En 2024, les prix du gaz ont connu une relative stabilité, mais des tensions persistent.
Le tableau suivant illustre la corrélation entre les prix du gaz naturel et ceux de l'ammonitrate en France :
Mois
Prix du gaz (€/MWh)
Prix de l'ammonitrate 33,5% (€/t)
Janvier 2024
65
380
Avril 2024
55
355
Juin 2024
60
342,5
Tensions géopolitiques et perturbations de la production
Les tensions géopolitiques continuent d'affecter le marché des engrais. Les sanctions occidentales contre la Russie et le Bélarus, importants producteurs de potasse, ont entraîné une réduction de l'offre mondiale et une hausse des prix. En France, cela s'est traduit par une augmentation du coût des engrais potassiques, comme le montre l'évolution du prix du chlorure de potassium (MOP) :
Janvier 2024 : 420 €/t
Mars 2024 : 450 €/t
Juin 2024 : 435 €/t
Perturbations de production en Égypte
Les récentes perturbations de production en Égypte, notamment dans les usines d'urée, ont eu un impact immédiat sur les prix. Le 2 juillet 2024, une panne dans une importante usine égyptienne a entraîné une hausse de 12,5 €/t du prix de l'urée sur le marché français, passant de 362,5 €/t à 375 €/t en l'espace de quelques jours.
Ces événements soulignent la sensibilité du marché français aux aléas de production dans les pays fournisseurs, même lorsqu'ils sont géographiquement éloignés.
Perspectives futures du marché des engrais
Les perspectives du marché des engrais pour les prochaines années laissent entrevoir une stabilisation progressive des prix, après les fortes turbulences observées depuis 2022. Selon les dernières prévisions de la Banque mondiale, une baisse généralisée des cours est attendue à moyen terme, bien que les niveaux devraient rester supérieurs à ceux d'avant-crise.
Prévisions de baisse des prix à l'horizon 2025
D'après le rapport "Commodity Markets Outlook" publié en avril 2024 par la Banque mondiale, les prix des engrais devraient connaître un recul significatif au cours des deux prochaines années :
Baisse globale de 22% en 2024
Nouvelle diminution de 6% en 2025
Cette tendance baissière concernerait l'ensemble des principales catégories d'engrais, avec toutefois des disparités selon les produits. Les engrais azotés comme l'urée et l'ammonitrate verraient leurs prix chuter plus fortement que les engrais phosphatés ou potassiques.
Facteurs de soutien aux cours
Malgré ces prévisions de baisse, les prix des engrais devraient se maintenir à des niveaux relativement élevés par rapport à la période 2015-2019. Plusieurs facteurs expliquent cette résistance :
Demande mondiale soutenue
La croissance démographique et les besoins alimentaires croissants continuent de tirer la demande en engrais au niveau mondial. Les pays émergents comme l'Inde ou le Brésil affichent des besoins particulièrement importants pour soutenir leur production agricole.
Restrictions à l'exportation
Certains grands pays producteurs comme la Chine maintiennent des restrictions sur leurs exportations d'engrais, limitant l'offre disponible sur le marché international. Ces mesures contribuent à soutenir les cours.
Rééquilibrage progressif de l'offre et de la demande
À plus long terme, le marché des engrais devrait retrouver un meilleur équilibre grâce à plusieurs évolutions :
Nouvelles capacités de production
De nouvelles usines d'engrais devraient entrer en service dans les prochaines années, notamment au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Ces capacités supplémentaires permettront d'accroître l'offre disponible sur le marché mondial.
Adaptation des pratiques agricoles
Face à la hausse des coûts des intrants, de nombreux agriculteurs cherchent à optimiser leur utilisation d'engrais, notamment via l'agriculture de précision. Cette rationalisation pourrait modérer la croissance de la demande à moyen terme.
Ainsi, bien que volatil, le marché des engrais semble s'orienter vers une phase de stabilisation progressive au cours des prochaines années. Les acteurs de la filière devront néanmoins rester vigilants face aux aléas géopolitiques et climatiques susceptibles de perturber cet équilibre fragile.
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